"Slapstick"
est le mot que les américains emploient pour désigner leurs premiers
films comiques. Cela veut dire "le bâton qui fait slap !", la
batte, la canne de jonc terminée par deux morceaux de cuir dont les clowns
se servaient pour se frapper en faisant du bruit.
Le slapstick c'est la clownerie, les chutes en cascade, les personnages excessifs,
les tartes à la crème. Les comiques américains arrivent
du cirque, de la pantomime, du burlesque, de ce qu'ils appellent le vaudeville
(qui n'a rien à voir avec les nôtres).
Le premier grand animateur de ces équipes est Mack Sennett dont la carrière
de réalisateur commence en 1911. Dans ses souvenirs il a dit: "Pendant
longtemps j'ai été considéré comme l'inventeur du
comique cinématographique, mais il est temps que je confesse la vérité:
ce sont les Français qui sont les inventeurs du slapstick et je les ai
imités."
Il parle des équipes de Gaumont et de Pathé, de Max Linder et
de Jean Durand. Hélas, la génération des jeunes comiques
français part à la guerre le 2 août 1914. Depuis quelques
mois a débuté chez Mack Sennett un certain Charlie Chaplin et
le cinéma comique américain, désormais, a pris une avance
que personne ne rattrapera jamais.
Les comiques américains tournent des films courts, de deux bobines (on
les appelait les "Two-reelers"), histoires quotidiennes, parfois improvisées
au hasard d'un défilé militaire ou d'une course d'automobiles...
Les ressorts de leurs histoires sont souvent l'amour ou la fin. A part Harold
Lloyd ou Laurel et Hardy qui représentent des Américains moyens,
les héros sont, en général, des vagabonds pitoyables.
Dans les années 20, les grands, Keaton ou chaplin, passent au long métrage.
Le Mécano de la "General" ou La Ruée vers
l'or sont des oeuvres soignées, tournées longuement et d'un
prix de revient élevé.
La révolution du parlant arrive. Laurel et Hardy n'en souffrent pas trop,
Chaplin met un long temps à s'y adapter, Keaton le supporte très
mal.
Un trio génial apparaît (trio qui est, parfois, un quatuor): les
frères Marx, aux gags visuels aussi percutants que leurs dialogues, synthèse
du muet et du sonore au point que Groucho parle sans cesse et que Harpo est
muet.
Le son c'est aussi la révélation de la comédie américaine.
Des auteurs brillants, des réalisateurs inventifs, des comédiens
tout neufs: de Vous ne l'emporterez pas avec vous à Certains
l'aiment chaud, les Capra, les Lubitsch puis les Tashlin et les Wilder vont
faire rire le monde entier.
Le comique burlesque n'est pas mort avec le parlant mais c'est à petites
doses que Hellzapoppin , Jerry Lewis ou Y'a-t-il un pilote dans l'avion
? assurent la descendance.
Le music-hall avait assuré le premier vivier du comique U.S. La radio
puis la télévision révéleront Bob Hope ou Mel Brooks.
Et le cinéma comique américain continue son chemin ou plutôt
ses chemins entre les délires de Roger Rabbit et le rire mélancolique
de Woody Allen.
Pierre Tchernia, 80 grands
succès du cinéma comique américain, Casterman, 1989, p.3.