A la fois metteur en scène, co-scénariste et producteur, Harold
Ramis signe ici une comédie sympathique "à la Capra"
(je n'ai pas dit comme Capra).
Le point de départ du film, un mélange de comédie métaphysique
et de fantastique rappelle l'âge d'or de la comédie américaine
et évoque Lost Horizon ou It's a Wonderful Life.
Phil Connors est un journaliste sarcastique, imbu de lui-même, asocial,
misanthrope, discourtois et parfois grossier, condamné à revivre
sempiternellement la même journée, à rendre compte du réveil
de Phil (la marmotte). Il ne supporte personne et ne fait montre d'aucun égard
à l'encontre de Rita et de Larry qu'il voit tous les jours. Progressivement,
après chaque 2 février, Phil s'humanise, s'attache aux autres
et cherche à leur venir en aide. Il apprend à connaître
les autres et de même que James Stewart dans le film de Capra avait eu
en réalité une influence réelle sur la vie de ses concitoyens,
Phil contribue à soigner les uns, à sauver les autres. Cette journée
lui permet de se bonifier, d'apprendre et de mettre à profit et à
exécution les connaissances acquises la veille.
Les mêmes actions éternellement
réitérées (la douche écossaise, le même pas
dans la même flaque d'eau, les interventions des différents personnages
secondaires et le pittoresque de leur caractère) sont une source d'un
comique agréable et relativement souriant.
De plus, bien que le temps soit pétrifié, cette torpeur ne contamine
pas le jeu de l'acteur. Le personnage incarné par Bill Murray évolue.
Il (tré)passe par plusieurs étapes psychologiques: la fatuité
à l'extrème, la perplexité et l'incompréhension,
la panique, le nihilisme et la transgression, l'opportunisme, le désespoir
et la dépression, enfin l'altruisme et la quête d'une certaine
sagesse. En outre, chacune de ces étapes est close par des séquences
tragi-comiques via un montage où les plans s'enchaînent à
un rythme soutenu et focalisent l'inévitable échec de Phil: les
tentatives de séduction au bar, la série de claques, les tentatives
de suicide... Il est bel et bien prisonnier dans un carcan; tous les multiples
efforts déployés restent vains pendant la majeure partie du film.
Par ailleurs, Groundhog day -sorte de poupée-gigogne- dispose d'une mise
en scène subtile: un jour qui est toujours le même et pourtant
toujours différent.
En effet, à l'instar du personnage principal, le spectateur ne découvre
l'entier déroulement de ce fameux et funeste "jour de la marmotte"
qu'au fil de chacun des 2 février. En cela, le radio-réveil acquiert
une fonction primordiale: les plans larges se réduisent au fur et à
mesure jusqu'au très gros plan au ralenti (55'08'') pour souligner l'immuabilité
et l'absurde de la situation.
Désémantisé, il fonctionne comme un métronome tout
comme la musique de Sonny et Cher: ces deux éléments diégétiques
insufflent un pouls régulier au film. Pour preuve, le dernier plan sur
le réveil et la musique de Cher ménagent l'effet de surprise pour
le spectateur et pour Phil.
Punxutawney devient désormais un monde où tout semble possible,
un monde qui offre la liberté de revivre d'une manière différente
le même événement, dans le lieu magique d'une métamorphose,
la grande habileté de Harold Ramis étant d'éviter un prosélytisme
moralisateur et de parvenir à rendre surprenante chacune des nouvelles
et multiples versions d'une scène déjà connue.